Prosopopée de la guenille

Enquête au Japon et en France auprès d’artisan*es, de créatrices, de cultivateurs et de conservatrices de musées

De quoi s’agit-il ?

Prosopopée de la guenille - ぼろの擬人語 est un projet ethnographique et artistique qui souhaite faire dialoguer arts de faire japonais et français en interrogeant certaines ontologies écologiques que renferment ces pratiques. Il est mené en partenariat avec Atelier Tuffery, entreprise du patrimoine vivant et plus ancien fabricant de jeans français.

Prenant comme point de départ le concept de boro - ぼろ, terme dérivé du japonais boroboro - ぼろぼろ- qui signifie « quelque chose en lambeaux ou réparé », équivalent de « haillon » ou « guenille », ce projet vise à construire une installation issue d’une enquête au Japon et en France auprès d’artisan·es, de créateur·ices, de cultivateur·ices, de conservateur·ices, etc. Cette installation qui croise arts, artisanats et sciences humaines et sociales (SHS) tisse une narration où se déploie à la fois une culture matérielle singulière, une certaine diplomatie patrimoniale mais également une réflexion sur l’invention pratique de la continuité.

Prosopopée de la guenille se propose d’établir un dialogue entre artisanat japonais et artisanat français, en prenant la toile denim, les personnes, les gestes, les traditions, les paysages et les filières qui la composent et la modifient comme clés de dialogue et de compréhension. Elle vise aussi à aiguiser notre capacité à percevoir la subversion dans des gestes banals (comme le rapiéçage), à élargir de manière féconde notre réflexion sur le soin car les choses, elles aussi, méritent temps, tact et attention.

Prosopopée de la guenille mobilise les outils et les méthodes des sciences sociales et du commissariat d’exposition.

Nous espérons pouvoir présenter cette exposition en 2026 lors de la Quinzaine du Japon en Occitanie. Si jamais le projet vous intéresse, n’hésitez pas à nous contacter !

Exposition “Boro Textiles: Sustainable Aesthetics” - New York, NY, USA (2011)

© SOLID OBJECTIVES IDENBURG LIU (SO–IL)


Boro kimono traditionnel

© Gerrie Congdon

Exposition “Boro Textiles: Sustainable Aesthetics” - New York, NY, USA (2011)

© SOLID OBJECTIVES IDENBURG LIU (SO–IL)

Ce projet d’installation artistique s’appuie sur un travail de recherche ethnographique et curatorial et interroge un pan de l’artisanat japonais en miroir d’un artisanat français singulier(confection textile). Il s’agit d’une installation hybride qui empruntera aux registres des arts mais aussi des sciences humaines et sociales pour lier les histoires de territoires distincts (région du Kansai / région des Cévennes). Un format original où des créations textiles contemporaines côtoieront des textes, des images, des pièces d’archives, des outils et techniques issus des mondes franco-nippons de l’agriculture, de la filature, du tissage, de la teinture et de la confection.

Prosopopée de la guenille souhaite mettre en parallèle l’histoire du boro, art né de la misère, avec des arts de faire français qui s’articulent notamment autour du concept de rapiéçage (petaçatge en occitan). L’installation visera, en effet, à tisser une histoire commune où des paysages, des personnes et des usages vernaculaires dialoguent. Elle adoptera un format d’installation où s’exposeront des pièces textiles, des images et des textes conçus pour le format du lieu de présentation du projet et où s’exprimeront des individus, des récits de singularités ordinaires et de devenirs (portraits vidéos et sonores). L’installation, semblable à des scénographies que l’on peut voir au sein de musées d’arts et de traditions populaires, cherchera également à comprendre comment des cultures vivrières qualifiées de marginales (culture du chanvre, élevage de moutons pour la laine, culture de l’indigotier pour la teinture naturelle) peuvent, au contraire, revitaliser des régions de manières vertueuses et écologiques.

Enfin, Prosopopée de la guenille a comme objectif de prendre en compte la multitude des personnes, amatrices ou expertes, qui œuvrent pour prolonger l’existence des objets et des paysages qui nous entourent et fabriquent ainsi, une culture matérielle populaire ouverte, durable et vertueuse. Il s’agira d’un format d’installation original où s’affirmera un geste curatorial singulier : celui d’enquêter avec les méthodes et outils de l’ethnographie sur les manifestations les plus matérielles du patrimoine culturel immatériel, essayer de lier deux pays par les postures et les savoir-faire qu’ils ont face au « soin des choses » et donner à voir ces résonances mutuelles en images, en textes, en vidéos et dans ces créations textiles anciennes ou contemporaines.


Démarche

Après avoir mené plusieurs projets artistiques aux côtés du collectif Etc et d’Atelier Tuffery au sein d’établissements de soins (projet Paquita, projet Petaçatges, menés tous les deux dans des EHPAD français), nous souhaitons au sein de cette installation/exposition mettre en scène les « savoirs fantômes » qui sont mobilisés par celles et ceux qui gravitent autour de la toile denim, de son vieillissement, des paysages dans lesquels ils s’inscrivent. Nous souhaitons illustrer ce soin des choses incarné dans le boro, cette diplomatie patrimoniale et lui donner la parole à travers une installation qui utilisera le tissu ancien et nouveau, patiné, réparé, teint ou issu de récoltes et de filatures plus écologique comme support de compréhension et de correspondance.

Les assemblages textiles boro, qui résultaient de la misère et que certain·es qualifiaient de « guenilles », sont aujourd’hui considérés comme des œuvres d’art et de véritables sources d’inspirations pour de nombreuses créatrices et créateurs partout dans le monde. Selon nous, ils peuvent aussi être appréhendés comme des marques de résistance envers une raison technicienne et industrielle qui croit savoir comment organiser au mieux les choses et les gens, assignant à chacun·e une place, un rôle, des produits à consommer. En cela, de la même manière que le rapiéçage, ils illustrent une manière de se soustraire en silence à cette conformation, une ruse ou un art de faire au sens où l’entend Michel de Certeau par laquelle chacun·e peut pratiquer un écart dans l’usage des produits imposés. Ils sont des affirmations vivantes du « soin des choses » au sens où l’entendent les sociologues Jérôme Denis & David Pontille, un lieu où se cultive une attention sensible à la fragilité et où s’invente au jour le jour une diplomatie matérielle et patrimoniale qui résiste au rythme effréné de l’obsolescence programmée et de la surconsommation.

EN BREF

Prosopopée de la guenille est :

↝ Une installation qui cherchera à éclairer des savoir-faire artisanaux et des traditions-inventions populaires, à regarder les objets avec finesse et à révéler les forces, les beautés, les potentialités d’arts de faire singuliers.

↝ Une scénographie légère qui mêlera des pièces textiles d’archives et des créations contemporaines japonaises et françaises.

↝ Une installation qui mettra également en scène des outils de confection et des pièces textiles créées pour les besoins du projet (tissus français innovants teints sur place avec des techniques japonaises, textiles japonais travaillés avec les techniques françaises).

↝ Un espace où plusieurs vidéos projetées restitueront des portraits filmés en France et au Japon de créateur·ices, d’artisan·es.

↝ Une série de photos originales sur les arts de faire japonais et français liés à la toile denim.

Formes peintes, cousues et rapiécées par des personnes habitants des EHPAD et les artistiques, racontant les arts du petaçatge.

© vives voies

Jean Jacques Tuffery, 3e génération d’artisan·es tailleur·ses de jeans en train de découper de la toile coton/laine produite localement.

© Atelier Tuffery


Inspirations